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Langue tchéque en bref

Le tchèque appartient à la famille des langues indo-européennes - indoevropské jazyky. Avec le polonais - polština, le slovaque - slovenština, et le sorabe - lužická srbština, plus une langue disparue autrefois parlée dans la vallée de l'Elbe, elle fait partie du groupe des langues slaves occidentales - západoslovanské jazyky.

Histoire de la langue tchèque

Le tchèque appartient à la famille des langues indo-européennes - indoevropské jazyky. Avec le polonais - polština, le slovaque - slovenština, et le sorabe - lužická srbština, plus une langue disparue autrefois parlée dans la vallée de l'Elbe, elle fait partie du groupe des langues slaves occidentales - západoslovanské jazyky.

A propos du sorabe, ou serbe de Lusace selon la traduction du tchèque, mentionnons simplement qu'il s'agit d'une langue archaïque, celle des anciens Slaves de l'Elbe établis dans l'Est de l'Allemagne au VIe siècle. Aujourd'hui, le sorabe, qui se situe entre le tchèque et le polonais, est encore parlé en Lusace, province historique partagée entre les Länders de Saxe et de Brandebourg, par environ 60 à 80 000 locuteurs se réclamant de la minorité sorabe dont le statut a été officiellement reconnu, en 1948, par la République Démocratique Allemande, puis de nouveau reconfirmé au lendemain de la chute du Mur de Berlin.

Mais revenons au tchèque, qui découle du slave commun - praslovanština, tronc commun à toutes les langues slaves. Le slave commun était, comme son nom l'indique, la langue commune à toutes les tribus slaves dont le foyer primitif, après leur arrivée en Europe, se situaient à l'est des Carpates à proximité des fleuves Dniepr et Dniestr. La grande expansion des Slaves fit arriver progressivement ces derniers dans les pays tchèques tout au long des Ve et VIe siècles.

La première langue littéraire utilisée sur le territoire tchèque fut le vieux slave - staroslověnština, qui provient donc du slave commun - praslovanština. Le vieux slave est en fait du vieux bulgaro-macédonien, langue d'évangélisation des pays slaves qui se transforma peu à peu en slavon, la langue liturgique.

Il s'agit, en effet, d'une langue créée pour les besoins de la liturgie chrétienne et utilisée par les frères missionnaires Cyrille et Méthode lors de leur mission d'évangélisation et d'alphabétisation, au IXe siècle, dans ce qui était alors l'empire de Grande-Moravie - Velkomoravská říše, premier Etat slave qui ait vu le jour sur un territoire englobant alors la Moravie, la Slovaquie occidentale, la Pannonie, la Bohême, la Silésie et une partie de la Lusace. A cette occasion, Cyrille et Méthode, originaires de Salonique, où le vieux slave était parlé, traduisent donc l'Evangile. De ces documents historiques écrits, il ne reste aujourd'hui plus aucune trace. Seules quelques copies de vieux originaux ont pu être conservés.

Les plus anciens documents écrits en tchèque conservés remontent, quant à eux, essentiellement à la seconde moitié du XIIe siècle. Il ne s'agit toutefois que de ce qu'on appelle « bohemikum », c'est à dire des mots isolés, le plus souvent des noms propres inscrits dans des manuscrits en latin, et de gloses. Celles-ci sont, en fait, des traductions de certains mots et même de phrases toujours dans un texte en latin. Enfin, au XIIIe siècle, il existait probablement une traduction du psautier en tchèque et à la fin du même siècle apparaissent les deux premiers textes littéraires écrits en vieux tchèque. Il s'agit de deux chants spirituels créés sous l'influence de modèles latins.

Les textes tchèques les plus anciens, qui remontent au XIIIe siècle, sont écrits à l'aide d'une orthographe dite « primitive ». L'alphabet latin était utilisé pour les sons tchèques sans faire l'objet d'une quelconque adaptation ou modification. Ainsi, les sons tchèques qui n'existaient pas dans l'alphabet latin étaient transcrits à l'aide des lettres latines les plus proches phonétiquement de ces sons.

Plus généralement, ce sont le latin et le le vieux slave, les deux langues litturgiques, qui ont influencé l'évolution de la langue tchèque dans sa forme la plus ancienne. Quelques années plus tard, l'allemand jouera également ce rôle essentiel. Vers le milieu du XIIIe siècle, la colonisation germanique des pays tchèques atteint son point culminant. Cette colonisation signifie le début du bilinguisme tchéco-allemand qui se manifeste assez rapidement dans toutes les grandes villes tchèques. L'allemand devient même une langue prestigieuse parlée à la cour royale et une partie de la noblesse tchèque se met donc à l'allemand. Mais au-delà même de la langue, la colonisation entraîna un changement profond dans la composition des nationalités des pays tchèques. Désormais, la Bohême et la Moravie n'étaient plus seulement le territoire d'une ethnie parlant tchèque et installée là depuis plusieurs siècles. Les deux régions finirent même par former une confédération dont les habitants étaient de deux nationalités, cohabitaion qui perdura pendant sept siècles jusqu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

Si l'allemand pèse donc indéniablement sur l'évolution de la langue tchèque dès la seconde moitié du XIIIe siècle, cete dernière exerce aussi, à la même époque, une influence certaine sur le polonais qui prend du tchèque avant tout une part essentielle de sa terminologie religieuse. Un fait historique presque paradoxal aujourd'hui alors que la population tchèque est la plus athée en Europe et que la Pologne reste l'un des foyers les plus fervents de l'Eglise catholique.

C'est au XIVe siècle que le tchèque devient une langue littéraire à part entière. La poésie comme la prose se développent et les premiers drames rédigés en tchèque apparaissent. L'allemand et le latin continuent cependant bien entendu d'avoir une influence prépondérante, le latin notamment dans le vocabulaire lié à la vie religieuse et publique. Parallèlement, la langue tchèque joue un rôle identique avec le polonais qui intègre quelques termes de droit ainsi que d'autres en rapport avec l'enseignement. De même, les premiers textes littéraires polonais (chants religieux et traductions de la bible) naissent sous l'influence du tchèque.

Au début du XVe siècle, une nouvelle fonction est progressivement attribuée à la langue tchèque. Elle devient l'instrument de la propagande hussite qui critique vivement l'Eglise. Selon un groupe de maîtres tchèques de l'Université de Prague à la tête duquel se trouve le réformateur et prédicateur Jan Hus, l'Eglise est, en effet, jugée coupable de s'être outrageusement enrichie, d'avoir pris goût au luxe et de se mêler par trop de politique, se détournant ainsi de sa mission originelle apostolique, c'est à dire veiller à sauver l'âme des chrétiens. A côté du latin, le tchèque commence à être utilisé comme langue scientifique, principalement dans les sciences naturelles, en médecine et en astronomie. De plus en plus, on a recours au tchèque dans le domaine administratif, tandis que, tout au long du XVe siècle, la langue tchèque juridique se peaufine. Probablement en 1411, Jan Hus est l'auteur du premier ouvrage consacré uniquement à l'étude de la langue tchèque. Rédigé en latin, l'ouvrage est intitulé « De orthographia bohemica ». Dans celui-ci, Jan Hus propose que les sons tchèques n'existant pas dans l'alphabet latin soient différenciés et marqués à l'aide de signes diacritiques: des points au-dessus des consonnes et des accents de longueur au-dessus des voyelles. Une idée essentielle dans l'évolution de la langue tchèque.

Grâce aux écrivains humanistes, le tchèque comme langue littéraire se parfait. Ces auteurs ont pour idéal l'art antique gréco-latin, et le retour à ces canons et à ces thèmes se manifeste dans la langue qu'ils emploient notamment par une influence principalement latine que l'on retrouve non seulement dans le vocabulaire, mais également dans la syntaxe. La présence de phrases complexes est caractérisqtiue de cette époque.

La traduction de la bible, connue sous l'intitulé « Bible kralická », « Bible de Kralice », par les membres de l'Unité des frères protestants de Bohême et de Moravie entre 1579 et 1596 témoigne du niveau exceptionnel de la langue des humanistes. Les qualités linguistiques de la « Bible kralická » restent d'ailleurs encore reconnues aujourd'hui, l'usage de l'orthographe s'uniformisant alors. L'ouvrage servira même encore de modèle pour la codification du tchèque littéraire moderne à l'époque du Réveil national au XIXe siècle, période à laquelle nous nous intéresserons dans notre prochaine émission et qui marque un tournant dans l'histoire des pays tchèques, notamment par le renouveau de l'intérêt pour l'usage de la langue tchèque.

Vers la fin du XVIe siècle, de nombreux travaux théoriques sur la langue tchèque ainsi que des dictionnaires voient le jour. Dans ceux-ci, on retrouve le mot tchèque avec ses équivalents allemand, latin et grec.

Toujours à la même époque, l'expansion de la langue tchèque à l'étranger atteint son plus haut degré. Son influence sur le polonais n'a jamais été aussi forte. Le tchèque devient la langue de conversation dans les cercles de la noblesse polonaise, et par son intermédiaire, l'influence du tchèque se déplace encore un peu plus à l'est de l'Europe. Certains mots tchèques font alors leur apparition dans la langue russe, tandis que le tchèque est même la langue administrative et culturelle de la Haute-Hongrie, territoire de l'actuelle Slovaquie.

Au XVIIe siècle, la langue tchèque conserve encore son éclat, même si son évolution est influencée par les événements politiques qui découlent de la terrible défaite lors de la première bataille de la Guerre de Trente ans, la célèbre bataille de la Montagne blanche, en 1620, qui mit un terme à la volonté des protestants de Bohême de s'affranchir de la domination des Habsbourg. Une grande partie de la population instruite, la noblesse non catholique et la bourgeoisie sont condamnées à l'émigration. Pour les trois siècle à venir, les Tchèques perdent leur indépendance, réalité qui ne sera, bien entendu, pas sans incidence sur l'évolution de leur langue.

Tout au long du XVIIe siècle, ce sont cependant les écrivains éxilés qui se montrent les plus fidèles à la langue tchèque des humanistes. Le plus célèbre d'entre eux fut Jan Amos Komensky, plus connu sous son nom latinisé de Comenius, auteur de nombreux travaux linguistiques et personnage auquel l'on doit les bases de la pédagogie actuelle. Ses publications pédagogiques connurent du succès dans toute l'Europe jusqu'à la fin du XIXe siècle. Celui que l'on surnomme également « le maître des nations » ou encore « le précurseur, le père de l'éducation moderne », né en Moravie, en 1592, dans une famille appartenant à l'Unité des frères moraves, correspondait alors avec les savants de toute l'Europe et proposait des projets de réforme scolaire afin de transformer l'humanité. Les buts poursuivis par Comenius philosophe humaniste sont des plus nobles : relever sa patrie, assurer le bien-être de la famille et de l'Etat, et surtout faire de l'homme un être et un esprit toujours meilleurs. Pour cela, il entend que l'école, destinée à tous, soit une fabrique d'hommes où, affirme-t-il, « la lumière de la sagesse éclairera l'esprit des élèves, lui fera promptement saisir les choses manifestes et cachées, et où leurs âmes et et leurs émotions seront amenés à une harmonie universelle ». « Toute notre vie est une école où il y aura toujours quelque chose à apprendre, même si l'on vit mille ans », disait-il encore, par exemple. Malheureusement, si Descartes évoque Comenius, s'il est invité par le Parlement britannique pour fonder un collège des sciences universelles, et même demandé par l'Amérique pour diriger le collège de Harvard, Comenius et la plupart des intellectuels tchèques et moraves exilés, perdent peu à peu contact avec leur patrie d'origine et leur production n'a donc qu'un faible impact à Prague.

Au XVIIIe siècle, la noblesse catholique tchèque, qui défend l'idée dite de "patriotisme terrestre", c'est à dire que la patrie est avant tout l'endroit où l'on vit, ne manifeste que peu d'intérêt pour la pratique de la langue tchèque. Celle-ci perd donc progressivement sa fonction de langue d'usage de la science et de l'administration et continue à exister seulement à travers la production littéraire populaire. La conséquence principale de cette situation est le sentiment et la prise de conscience du danger de disparition de la langue.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'allemand tend à s'imposer comme la langue officielle, tandis que l'on cherche à limiter l'indépendance tchèque. D'un autre côté, l'adoption par l'Etat des réformes des Lumières permet d'entamer le processus d'émancipation de la nation tchèque. C'est une période baptisée « renouveau national » ou « réveil national » qui commence dans les années 70 du XVIIIe siècle. Ses adeptes ont pour objectifs majeurs de faire renaître un intérêt pour la langue tchèque et d'élever le niveau de celle-ci, mais aussi de créer une culture nationale tchèque à proprement parler. De vieilles oeuvres intéressantes de la littérature tchèque, considérées comme moyen de défense de la langue, sont éditées, ainsi que des travaux historiques et des journaux. Des pièces de théâtre tchèques sont jouées. La langue est alors plutôt perçue comme un symbole de droit de l'Etat que comme un moyen de communication.

Afin que le tchèque se mette au niveau des autres langues européennes et devienne une langue digne d'une littérature « supérieure », il était toutefois nécessaire de fixer et codifier ses règles. Dans ce contexte, la grammaire du linguiste, philologue et historien Josef Dobrovsky, publiée en 1809, apparaît comme la référence. Pour ses travaux, Dobrovsky s'appuie sur la langue des humanistes et la fameuse "Bible kralická" - "Bible de Kralice", déjà évoquée dans nos émissions précédentes. Cette grammaire fut acceptée, et ce même si elle se différenciait des usages de la langue parlée de l'époque.

Parce que la langue tchèque commençait à être utilisée dans de nouveaux domaines de la vie, la nécessité de compléter son vocabulaire apparut rapidement. Le traducteur et philosphe Josef Jungmann, représentant principal du renouveau national, aidé de ses collaborateurs, s'attela à cette tâche. Les néologismes lexicaux provenaient pour l'essentiel du vieux tchèque et des langues slaves proches, essentiellement du polonais et du russe. Lorsque cela n'était pas possible autrement, de nouveaux mots furent inventés par dérivation ou composition, et ce selon les régles formulées par Dobrovsky dans sa grammaire. Enfin, la dernière méthode utilisée était la traduction à proprement parler des mots. Le résultat de ces travaux fut le très célèbre "Slovník česko-německý" - "Le dictionnaire tchéco-allemand" en cinq tomes, publié dans les années 1834-1839.

Au XIXe siècle, le tchèque devient la langue de la communication courante. Le nombre de ses adeptes augmente progressivement. La langue se développe selon des règles qui lui sont propres, et ce pratiquement pour la première fois depuis l'époque de la Renaissance et des humanistes, au XVIe siècle, période sans doute la plus éclatante pour la langue tchèque. La littérature se rapproche du niveau européen. Les auteurs se distancent peu à peu de langue très littéraire des générations précédentes pour se rapprocher de la langue parlée couramment. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les secteurs industriel, commercial et bancaire, notamment, sont en plein essor, et le besoin de compléter le vocabulaire de la langue tchèque, immense chantier entamé par Josef Jungmann avec son dictionnaire tchéco-allemand, se fait ressentir. En 1882, l'université est divisée en deux universités, tchèque et allemande. Une terminologie de droit, économique et même musicale et sportive est créée. Peu à peu, certains mots d'origine tchèque appraissent dans la langue allemande autrichienne, principalement dans le dialecte viennois, résualt logique et naturel de la présence de nombreux artisans tchèques dans la capitale de l'Empire austro-hongrois.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale et de la création de l'Etat tchécoslovaque, en 1918, le tchèque devient la langue administrative et s'impose dans les derniers domaines où la langue allemande faisait jusque-là encore autorité, soit, par exemple, les domaires militaire ou ferroviaire. La langue littéraire connait un important développement, les meilleurs écrivains de l'époque sachant utiliser au mieux la granche richesse stylistique de la langue tchèque. La Deuxième Guerre mondiale n'influence pas négativement cette évolution ; au contraire, en réaction à l'occupation allemande, le prestige de la langue littéraire est renforcé et prend valeur de symbole face à la prise de conscience du danger qu'encourt la nation.

Tout au long du XXe siècle, le fossé entre la langue parlée et la langue littéraire et sa codification conservatrice se creuse. Enfin, les mots d'origine étrangère qui s'imposent progressivement dans la langue tchèque ne sont plus que très rarement d'origine allemande, mais proviennent essentiellement d'autres langues. Après 1948, le pays restant orienté vers l'Union soviétique pendant la majeure partie de la seconde moitié du XIXe siècle, la langue tchèque est influencée par le russe, dont l'enseignement était obligatoire à l'école. Mais depuis la révolution, en 1989, et la chute du régime communiste, c'est l'anglo-américain qui pèse toujours un peu plus sur la langue tchèque, celle-ci n'échappant pas à une tendance largement mondiale.


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